• Je pense que chacun a connu ces moments de solitude au sein du couple, moments de dépression difficiles à vivre, mais qui , heureusement, ont pu être dépassés. Texte datant de 2004, écrit lors d'une période trouble.


    Détresse.


    Il est 10h00...

    J'ai erré jusqu'à maintenant, depuis que l'aube est levée, dans la ville, seule, comme un fantôme...

    Invisible aux autres, invisible à moi-même...hantée par des rêves, sont-ils encore les miens, qui s'éparpillent déjà au loin comme les feuilles d'automne...

    Il est 10h00...pas même une minute a passé...j'ai l'impression d'errer au beau milieu de l'éternité...

    Les gens me bousculent, je ne les sens pas... Ils me dévisagent? je ne le vois pas...

    Je suis seule comme eux sont seuls, offerte à un monde putréfié, pétrifié dans l'immobilité...

    La pluie sur mes joues remplace ces larmes qui ne veulent poindre...ces larmes concentrées, étouffées, dans une angoisse qui dévore mon ventre...

    Il est 10h00... Je suis assise sur le trottoir, à deux pas de chez nous...

    Je n'ose entrer...Je n'ose pas non plus m'en aller...

    Toi tu dors...C'est bien...le sommeil occulte bien des choses...Mais le mien ne vient pas...ne vient plus...et quand il vient...Cauchemars, cauchemars, emparez-vous de moi...vous êtes les seuls qui bercez mes nuits...

    Il est 10h00...mais il pourrait être minuit...il pourrait être plus tard ma vie...Il n'est rien, rien qui aille...rien qui veuille dire quoi que ce soit...rien que je puisse expliquer, et pire solutionner...

    Tu ne comprends plus qui je suis...

    Il est 10h00... j'ai mal...

    Te parler ne sert à rien...Tu es si loin...

    Je suis perdue...perdue loin de moi...ou peut-être trop près...

    Je ne sais plus ce que je veux... Je t'aime, je crois, encore... J'ai mal d'être avec toi... J'ai mal d'être sans toi... J'ai peur de rester, et peur de partir...

    J'ai besoin d'être seule...mais ...je suis seule...Ecoute moi...

    Tu ne sais plus me tenir contre toi...

    Il est 10h00... je vais rentrer... Tu dormiras...inconscient de ce qui en moi est à l'œuvre...

    Je te regarderai...pas même attendrie...en colère...et meurtrie...

    J'attendrai que le sommeil daigne me prendre...et j'attendrai demain...un nouvel orage...ou une accalmie...

    Dors...

    Ma détresse ne regarde plus que moi.  



    Lili-A. ©


     



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  •  Datant de 2004, cette nouvelle a marqué un tournant dans mon écriture, elle reste au jour d'aujourd'hui la plus chère à mon coeur, et j'espère que vous l'apprécierez autant que j'ai aimé l'écrire.



    Le dernier jour



    « J’aimerais que l’on mette cette chanson à mon enterrement. »

    C’est ce qu’elle m’a dit, la toute première fois.

    J’étais allongée, sa tête sur ma poitrine, mes doigts démêlant ses cheveux. Elle tenait encore à la main la télécommande de la chaîne.

    « J’aimerais que l’on mette cette chanson à mon enterrement. Fort. »

    Des baffles s’élevait une voix irréelle et sans âge, une voix qui avait toujours éveillé en moi les sentiments les plus troublants, une voix qui venait empoigner mes entrailles pour les tordre délicieusement ; douloureusement…

    Sa main, timidement, parcourait mon ventre.

    Je ne disais mot. Qu’y avait-il à dire ?

    Je me sentais moi-même irréelle et sans âge, comme si cette nuit avait à elle seule annihilé l’emprise du temps, sur moi.

    Je venais à la fois de mourir, de renaître, et pourtant, quelque part, j’étais toujours la même (enfin moi-même ?).

    Elle s’étira, en émettant une sorte de ronronnement, puis tourna son regard vers moi, une lueur espiègle dans les yeux.

    « Ca va ? », demanda – t- elle, avec un petit rire.

    Je lui souris, sans répondre.

    Mon regard tomba sur ses lèvres et je sentis aussitôt l’envie de leur contact. Elles étaient douces et charnues, délicieusement sucrées, tout comme sa peau. Un feu étrange consumait mon ventre.




    Il est 10h00. Les draps sont encore froissés d’une nuit agitée. Le soleil hivernal attarde ses rayons sur le miroir. Mon corps est encore engourdi de sommeil.

    Je me lève, détendue, et flâne un instant à la fenêtre, à observer le vent dans les arbres, la rumeur tranquille des quelques passants emmitouflés dans leurs manteaux.


    Paresseusement, je tourne les pages d’un vieux carnet abandonné sur la table, mon thé fumant posé tout à côté.

    Je relis quelques lignes, de ces mots écrits à deux, d’autres matins similaires à celui-ci.

    Il fait bon, je me sens bien. C’est un de ces matins où tout semble harmonieux, à sa place. La sérénité ? Je crois bien que c’est ça.

    Je n’ai rien à faire. J’ai tout mon temps, pour penser ; errer ; fumer ; rire ; pleurer ; planer ; me souvenir…Mais par quoi commencer ?

    Je souris : aucune importance.


    Il est 12h00. Le siphon avale dans un tourbillon le reste de l’eau.

    La peau de mes mains est toute fripée, une heure et demie à rêvasser dans mon bain, c’est bien normal… Du moins, j’aime à croire que c’en est la raison.

    J’enfile à la hâte mes vêtements, arrange mes cheveux…Humm, pas mal !

    Je sors de la pièce, juste à temps pour entendre l’alarme du four.

    « Apocalypse », de Mahavishnu Orchestra, le repas prêt, tout est parfait.



    « Je t’aime », me dit-elle, son visage au-dessus du mien.

    Ses cheveux me chatouillent, je ris.

    « Tu ne veux pas qu’on sorte ? On pourrait prendre le train, faire un tour à Paris, ça fait longtemps… ».

    « Non… Je suis bien au lit. J’ai envie de traîner, pas toi ? ».

    Elle soupire. « Ok ».



    Il est 16h00. Je m’éveille lentement. Le ciel s’assombrit déjà.

    Ma main s’en va caresser la place à côté de moi, mais ne rencontre que les draps qui semblent avoir été le terrain d’une longue bataille. J’allume une cigarette, aspire et expire la fumée, tout en jouant à dessiner des formes qui s’élèvent vers le plafond.

    Tantôt rondes et épaisses, tantôt presque invisibles, ces arabesques insaisissables s’enfuient hors de ma bouche.



    « J’aimerais que l’on mette cette chanson à mon enterrement. »

    De toutes ses phrases, c’est celle-ci qui me revient, continuellement, et aujourd’hui plus fort encore.

    C’était la première fois que l’on s’abandonnait l’une à l’autre.

    La première fois que je m’abandonnais aux bras d’une femme.

    La première fois que je m’abandonnais vraiment, je crois.

    Aucune de nous deux n’avait encore parlé. Elle avait seulement lancé le morceau, avant de se blottir à nouveau contre moi.

    Je sentais son souffle sur mon sein, dans la douce moiteur d’après nos ébats.

    Et elle avait jeté ces mots, comme ça, d’une voix sans expression, calmement.

    C’était si singulier !



    Il est 17h00. Je vais l’appeler.

    « C’est moi. Viens à la maison demain, vers 18h00.

    Ma fille sera là, d’accord ? Je t’embrasse. ».

    Un verre de vodka violette à la main, je laisse s’insinuer en moi les envolées lyriques de la divine Lisa Gerrard. « Sanvean : I’m your shadow » ; le morceau de ce matin là. Le morceau de tant d’autres instants…

    Toujours cette main qui m’empoigne les tripes, douloureusement ; délicieusement.


    20h00. Je me suis assoupie… Une boule de poils grise ronronne amoureusement sur mes genoux.

    Je la soulève dans mes bras, jusqu’à la table de la cuisine où l’attend son repas. Rien pour moi ce soir, je n’ai pas faim.

    La sonnerie du téléphone me tire soudain de ma torpeur. Sûrement Léa…

    « Allo, Maman ? ». (Gagné !)

    « Je vais bien ma puce. Tu viens demain ? L’heure que tu veux…

    Mais j’aimerai en tous cas que tu sois là vers 18h00. Bien. Je t’aime aussi ma belle… ».


    20h15. Je m’assoies à la table, un stylo et deux feuilles devant moi. Sans avoir besoin de réfléchir, les mots s’enchaînent d’eux-mêmes sur le papier, longtemps, longtemps.

    J’ouvre un tiroir pour y prendre deux enveloppes, dans lesquelles je glisse des feuilles à présent noircies d’encre.

    Je les dépose côte à côte sur la table de la cuisine, caresse le chat, puis éteint les lumières.



    ***



    17h00. La maison me semble aussi sereine que d’habitude.

    Je souris en constatant que Maman a encore oublié la lumière du porche. Je ne peux même pas mettre ça sur le compte de l’âge, elle n’y a jamais vraiment fait attention !

    La porte est ouverte, j’entre, tout est calme.

    « Maman ? J’suis là ! ». Pas de réponse, elle doit dormir. Elle dort beaucoup ces derniers temps.

    Le chat vient se frotter contre mes jambes en ronronnant : « Non, non ! ce n’est pas encore l’heure. Tu attendras, non mais ! ».

    A pas de loup, j’entre dans la chambre plongée dans la pénombre.

    Je murmure, penchée vers l’oreiller : « Allez, Maman, réveille-toi. Ton amie va bientôt arriver… ».



    ***



    18h15. Je suis en retard, comme toujours. Mais elle me connaît, tout ira bien.

    Cela fait longtemps que l’on ne s’est pas vue, j’ai tant de choses à lui dire !

    Ah ! Deux vieilles amantes qui se retrouvent…c’est presque comique!

    Et je vais enfin rencontrer Léa, c’est bien.

    Je sonne. Il fait froid. C’est étrange de se trouver à nouveau là…

    La clenche s’abaisse, la porte s’ouvre.

    Je reste stupéfiée devant ce que je vois : Blanche est là, devant moi, elle a trente ans, quarante peut-être, de nouveau.

    Un flot de souvenirs m’assaille ; immobile, je ne suis plus vraiment là.

    « Anne ? ». La voix me ramène à la réalité.

    Gênée, je m’apprête à sourire à cette jeune femme qui n’est autre que Léa, quand j’aperçois l’expression de son visage.

    Les yeux rougis et gonflés, les traits terriblement tirés, je comprends.

    Elle se jette dans mes bras dans une explosion de sanglots…



    Elle s’en est allée durant la nuit, sûrement au beau milieu d’un rêve. Ca lui ressemble.

    Elle a toujours fait les choses à sa manière, paisiblement. Mourir aussi.

    Sur la table, deux lettres, une à Léa, l’autre à moi. Elle savait qu’elle ne se réveillerait pas.

    Je m’assoies à ses côtés sur le lit, elle semble bien.

    Je caresse ses cheveux, ses longs cheveux devenus blancs.

    Sa lettre est simple, et belle. Elle y parle de nous, de moi, mais les mots se troublent derrière mes larmes.

    Une douleur indicible m’enserre le cœur, à la lecture de cette dernière phrase :

    « J’aimerais que l’on mette cette chanson à mon enterrement. Tu sais laquelle. Fort. ».






    Lili-A. ©



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  • Cela vous est-il déjà arrivé de vous sentir vide et à la fois tellement envahi de multiples pensées que pas une n'est compréhensible, qu'aucun fil n'est démêlable, et c'est comme si des voix terribles grondaient en vous de toutes parts, à tel point que l'on ne sait plus qui l'on est, si l'on est encore vraiment? De ces moments de terrible solitude où l'on semble frôler la folie est venu ce court texte, ces quelques mots.


    Vide- âme



    L’idiotie est un monde ; le mien ne l’est pas moins.


    Silence qui menace…Oh ! Grand bien me fasse !

    Taire ce brouhaha, en moi, ce bruissement d’ailes

    Qui jamais ne soulève que la poussière du vide…

    Âme. Le silence n’est qu’un pas ? Le franchir ? Pourquoi pas…

    Ailes brisées ne s’envolent pas plus loin qu’au-delà.


    Je ne suis plus que bruit ; Animale.


    Mon corps est l’hôte d’un abonné absent.

    Diablerie ! Identité, m’aurais-tu fuit ?

    Convoquez – donc la muse de l’amnésie,

    Il me faut oublier que je suis…

    « Allo ? Amnésie Internationale ?

    En moi n’afflue plus que le sang !

    Ca fait mal, ça fait mal… ».


    Et pourtant…  




    Lili-A. ©



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  • Un jeu du chat et de la souris entre deux étranges personnages qui n'auraient pas du se rencontrer ainsi. Texte datant lui aussi de 2002, je n'ai malheureusement jamais encore réussi à y apporter la touche finale, bien que je sache depuis toujours comment terminer l'histoire. Je ne trouve pas les mots pour le faire. Alors en attendant, imaginez la votre! ;)


    La Petite Mort



    La petite Mort se lève et s’en va balader

    Ses maux intemporels et sa mine blafarde

    Au moment où le glas a cessé de sonner…

    Et oui !même la faucheuse a droit à son congé !

    De ses orbites vides fouille l’humanité

    Se demandant quelle âme voudra bien lui parler.

    Au détour d’une rue, elle rencontre un vieillard

    Niché dans des cartons, le nez dans son pinard

    Qui balbutie, argote, d’une voix fatiguée

    Les mots, mille et légions, d’un homme désincarné…

    La dévoreuse Dame, drapée de ses ténèbres

    De ses lèvres l’effleure, silencieuse et superbe.

    Frissonnant, il s’exclame :

    « Ce baiser sur mon âme ! Mon heure est donc venue ?

    Ou ai-je encore trop bu de ce nectar infâme ?! »

    S’élève alors la voix, caverneuse et sans âge :

    « Ton heure est loin encore, mais tu m’as démasquée,

    Je suis bien le passeur qui viendra te chercher.

    Ce soir, j’aspire seulement à un peu d’amitié,

    Voudras-tu, s’il te plaît, partager ce breuvage ? »

    Vous le croirez ou non, mais tandis que la lune s’élève dans les cieux

    Le clochard et la Mort, compères improbables,

    Grattent une guitare en jouant les amoureux !

    Aux rires suivent les larmes,

    Aux larmes suivent les chants,

    Et l’ivresse grandissant, les heures se succèdent…

    C’est à l’unique instant, un millième de seconde,

    Où l’aube et l’ombre enfin, se rencontrent et succombent

    Qu’un gouffre intemporel, apparu de nulle part

    Ecartèle la terre et sonne le départ…  





    Lili-A. ©



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  •  Un court texte en prose qui date de 2002. C'était à la base un exercice de style que j'avais eu envie d'essayer, en piochant ça et là des mots dont les sonorités me plaisaient, et dont j'ai ensuite fait une petite histoire. J'ai toujours eu envie de le mettre en musique, en narrant le texte, mais à ce jour, je ne l'ai pas encore fait. Peut-être prochainement, qui sait?! :)


    La Caryatide




    Baguenaudant mon corps acéphale au gré de l’accalmie crépusculaire

    Je sens déjà la nuit chasseresse, qui de sa main dantesque,

    S’en va consteller les cieux de mille cornalines.

    Le soleil, au matin, était venu caresser mes courbes encore enchevêtrées de pierre,

    M’éveillant ainsi à la vie.

    Eperdue, je le vis s’élever crescendo par-delà les cimes,

    Laissant parmi les nuages l’ébauche d’un sillage enflammé.

    Un engouement énigmatique prit alors possession de tout mon être,

    Contorsionnant ma chair meurtrie, je m’extrayais enfin de mon carcan disharmonieux.

    Mes reins, comme dirigés par la main d’un marionnettiste en proie à la frénésie,

    S’étaient laissés aller en une cambrure ô combien elliptique !

    Exalté, l’astre solaire s’était précipité, brûlant dans sa course chaumières et forêts…

    Mais, goutte-à-goutte, le temps fit son office : Damnation éternelle !

    La clepsydre ennemie a libéré le soir et mon amant repris !

    Quant à la nuit maîtresse, elle vient, la voilà !

    Et m’enchâsse à nouveau en ma tour d’albâtre…

    Femme éphémère je suis, caryatide à jamais, et pour tout, chimérique.




    Lili-A. ©



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