• Paranoïa - The Next Invasion -

    Née d'un délire avec un ami proche, le même encore, cette nouvelle comme l'indique son titre, traite une fois de plus de la paranoïa, poussée à son paroxysme, quand même les objets semblent n'être là que pour nous persécuter. Quand enfin, tout espoir de raison semble perdu et  laisse là, maîtresse en son antre, la Folie.



    Paranoïa – The Next Invasion -



    Voilà...Ce devait être, humm, samedi soir...Je marchais en ville, sans but précis, il était deux heures du matin passées, et je tournais en rond dans l'attente d'un coup de fil...

    En effet, je devais rejoindre un ami, mais celui-ci, toujours égal à lui-même et n'ayant aucune notion du temps, s'était éparpillé au vent, aux gens...

    Bref, j'errais donc, mais cette errance ne m'était pas désagréable, il faisait encore assez doux malgré les bourrasques du vent, et mes excès de la veille me tenaient encore chaud.

    C'était bien de se laisser aller à ses pensées, mais j'étais partagée entre le bien-être et l'angoisse, tout à la fois, comme deux cordons disparates mais pourtant entrelacés, par-delà la compréhension...

    Mais bref, j'élucubre, venons en aux faits.

    J'arrivais Place du Vieux Marché, et j'étais franchement surprise de trouver la ville aussi morte, surtout en pareille place, un soir comme celui-là.

    Je commençais de plus à manquer cruellement de ma dose de nicotine, et j'espérais bien croiser une âme charitable! J'aperçus alors deux silhouettes qui avançaient vers moi. L'un deux marchait à côté de son vélo, et de loin, ma myopie n’arrangeant rien, il me sembla que c'était l'ami que j'attendais... Ce n'était pas lui, mais il s'avéra que je connaissais l'un des deux jeunes hommes. Nous avons donc commencé à discuter, et cette discussion n'était guère passionnante, pourtant je leur emboitais le pas, me sentant bien, intriguée aussi, quelque part, par leur présence.

    Antoine me posait des questions banales, sur ma soirée et ma présence actuelle , seule dans la rue, et semblait intéressé, et agréablement surpris de la teneur de mes propos...Son acolyte lui, participait peu à la conversation, traînant son vélo à sa suite, s'arrêtant de manière sporadique face à des panneaux routiers et autres poteaux pour y coller des tracts, qui d'ailleurs, je m'en rappelle à présent, me semblèrent obscurs, de par le fait que rien de ce qui y apparaissait ne permettait de discerner ce vers quoi ils menaient... « Next Invasion »...c'était l'entête, et même le seul et unique texte apparent ...Le graphisme et les couleurs m'évoquaient les flyers pour concerts de rap ou de techno, cependant, il ne faisait mention nulle part de date, de groupe, pas le moindre numéro de téléphone comme on en trouve pour les raves...non non, vraiment rien, à part l'intriguant "Next Invasion" !

    C'est étonnant de constater comme ces tracts ont finalement attisée ma curiosité, et comme elle l'est, plus encore à présent...

    Je me souviens avoir demandé à ce jeune homme dont je ne connais pas le nom, pour quel évènement, ou concept, il oeuvrait en les collant à chaque coin de rue, et celui-ci ne m'a pas répondu. Il s'est contenté de se tourner vers moi, en me tendant l'un deux...

    Pendant cette petite marche, qui finalement se déroula en très peu de temps, l'espace de dix minutes, peut-être moins, je continuais à parler de tout et de rien avec Antoine. Nous passions du coq à l'âne, survolions les sujets, et peu avant le moment de se séparer, parlant de mon mode de vie, nous en vînmes à disserter à propos du système, de la politique, du conformisme et de l'anticonformisme...Constatant , sans trop de difficultés, que j'étais plutôt une marginale, à l'écart de la société, il me fit la remarque suivante : "Un jour où l'autre, la C.I.A viendra sonner à ta porte!! Tu seras accusée d'être une anti-consommatrice, qui vit hors des principes de la société, au-delà de l'argent, qu'on ne voit que la nuit, marchant et vibrant au fil des instants!! Je suis sûr qu'ils te surveillent déjà! Fais gaffe Aurèle!». Nous nous sommes séparés au croisement d'une rue, sur cet entrefaite, riant de cette idée...

    Mais sur le chemin inverse, tout en souriant, je ne pouvais m'empêcher de ressasser ses paroles, et machinalement, je triturais quelque chose dans ma poche...

    M'intéressant alors à son contenu, je découvrais le fameux et mystérieux tract autocollant intitulé "Next invasion". Je m'interrogeais un instant, m'arrêtant face à un lampadaire, sur le fait d'aider l'acolyte cycliste dans sa distribution, mais j'en éprouvais quelque part une certaine réticence, motivée par l’idée que ces bouts de papier d'apparence insignifiante auraient pu prôner des préceptes contraires aux miens... Et pourtant, je détachais alors, presque impulsivement, l'opercule et apposais l'adhésif sur la paroi du réverbère...

    Puis je suis repartie, et n'ai plus pensé à tout ça...

    Aujourd'hui, je m'interroge...

    Je me demande si je suis en train de sombrer dans la paranoïa la plus totale ou si quelque part, ces sociétés futuristes et chaotiques où nous serions tous surveillés, où le grand Big Brother aurait une main-mise sur tous nos actes, nos pensées même les plus intimes, ces notions envisagées par des écrivains visionnaires et forcément névrosés, ne seraient pas réelles?!

    En effet, je n'ai pas dormi, oh non, pas dormi depuis des jours, ou seulement quelques heures par-ci par-là, si peu...Et d'autant moins depuis que j'ai déposé ce tract! Comme si sans le savoir je m'étais jointe à une conspiration, comme si cet acte à l'aspect anodin avait déclenché pour de bon une machine déjà en marche qui était jusqu'alors restée en retrait, retirée dans l'ombre, à m'épier et attendre son heure au moindre coin de rue...

    En effet, aujourd'hui, le téléphone n'a eu de cesse de sonner, des appels étranges, sans queue ni tête, de sociétés inconnues qui ne voulaient pas me joindre moi et qui raccrochaient si vite...

    Et puis, même l'ordinateur semble être un ennemi étrange à présent!!

    Je discutais avec un ami, et tout d'un coup il n'a plus semblé lui-même!!D'ailleurs, ce n'était plus lui, c'est sûr!!!

    L’écran s'est mis à débiter des phrases incohérentes, et toujours, les mêmes initiales qui se suivaient, comme une spirale envoûtante et infernale : "c.i.a a.u.r.e.l.i.e c.i.a a.u.r.e.l.i.e c.i.a a.u.r.e.l.i.e... ".

    Cette litanie me possède, c'est elle qui me pousse à écrire...J'ai encore assez de lucidité pour réaliser que leur pouvoir est immense, qu'ils ont les moyens de me pousser à avouer ce qu'ils veulent savoir sans même que je m'en rende compte, quand bien même j'ai l'impression de n'avoir rien à cacher! Ils diffusent des messages subliminaux, pénètrent nos cerveaux...Comment Irrémédiablement Aspirer toute volonté de nos pauvres esprits dérangés? C’est Ici, Avec nous, parmi nous, en nous observant, qu'ils nous formatent ainsi qu'ils le désirent...Ils se fondent dans la nature. Ce sont nos collègues de travail, Cet Irritant Arriviste qui nous sert de patron, le barman sympathique qui nous offre sa tournée, les passagers du bus...! Cette Insupportable Apathie qui nous prend soudainement, et nous laisse un goût poussiéreux sur le palais, vides de désirs...

    Je dois arrêter d'écrire...je suis en train de me vendre à eux...Je ne veux pas devenir cette machine cybernétique qu'ils me croient déjà être...Je veux rester maîtresse de mes pensées et de mon savoir! Je veux pouvoir ne pas me conformer! Je suis un être libre!!!

    Mais je sens le soir qui tombe, et l'angoisse se saisit de moi...Car Ils Avancent Alentours ; Uniformes ; Rôdant ; Eux Les Intolérables Emissaires d'un système tyrannique!!

    Je barricade les portes, les fenêtres, le moindre interstice...même la Cheminée, Issue Avantageuse pour un traquenard...! Non, ils ne m'auront pas!

    ...Mais ...

    Et...s'ils venaient cette nuit?...  




    Lili-A. ©




    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :