• Tes jolis doigts.

    Petite comptine macabre d'un amour déçu...



    Tes jolis doigts.




    Tu avais de si jolis doigts.

    Longs et fins, et bien articulés.

    Tu avais de si jolis doigts, et tu savais si bien t'en servir...

    Je me souviens...

    Ces premières fois où je les admirais, alors que tu les faisais

    danser sur un piano usé.

    Ces instants, enfin, où ils venaient effleurer les miens.

    Je me souviens encore, de nos nuits sans sommeil, où

    doucement ils caressaient ma peau, timides.


    Tu avais de si jolis doigts.

    Combien de fois m'ont-ils aimée?

    Combien de fois, sous la douce tiédeur des draps, sont-ils

    venus fouiller mes chairs, arrachant à ma gorge des cris que

    je ne m'expliquais pas.

    Tu avais de si jolis doigts, et grâce à eux, j'apprenais le

    plaisir.


    Tu étais si douée de tes mains.

    D'un simple geste, tu réussissais tout.

    La main verte, la patte du peintre, le doigt de talent

    culinaire, la paume douce, et le poil, bien planté dans

    celle-ci, les jours de relâche!

    Tu comptais toujours sur tes doigts, tu avais pour chacun, un

    ami, à sa place.

    Tu savais réparer mon cœur, lorsque parfois il se brisait, tu

    mettais le doigt sur mes erreurs, pour aussitôt les effacer.


    Tu avais de si jolis doigts.

    Mais pas un de jugeote...

    Pourquoi as-tu suivi cette autre?

    Je t'ai vu t'en aller et faire courir tes mains sur sa peau

    inconnue.

    J'ai vu tes yeux briller, tes doigts serrer les siens, et t'éloigner

    enfin.

    Tu avais de si jolis doigts.

    Ils ne viendraient plus enlacer mon cou, plus caresser ma

    joue, plus jouer ces airs fous sur le piano, où seule je suis

    assise.

    Je ne pouvais pas te laisser me les prendre.


    Tu avais de si jolis doigts.

    Alors j'ai regardé les ciseaux, ceux avec lesquels je n'aimais

    pas que tu joues, de peur que tu te blesses.

    J'ai fait courir leur fil sur le bout de mon pouce et j'ai senti

    la chair s'ouvrir.

    J'ai vu le sang perler et je l'ai avalé.

    Tu avais de si jolis doigts.

    Alors j'ai joué, j'ai joué à découper, et je ne m'expliquais pas

    tes cris.

    J'ai pensé qu'à mon tour, je t'apprenais le plaisir.

    Mais tes cris n'ont jamais cessé.

    J'avais mal à la tête, et tu n'avais plus de si jolis doigts,

    maintenant qu'ils ne décoraient plus le bout de tes petites

    mains.

    J'ai voulu te faire taire, j'ai découpé encore, un peu dans ta

    poitrine, allant chercher ton cœur.

    Tu me l'avais repris ...

    Sûrement tu es heureuse, car tu t'es enfin tu. Tu vois bien

    qu'elle n'était pas pour toi... cette inconnue.


    Tu avais de si jolis doigts.

    Mais tu ne t'en sers plus, pourquoi ne veux-tu plus?

    J'ai pensé que tes plats avaient toujours bon goût, avec un

    peu de toi, ce serait bien meilleur.

    J'ai fait bouillir de l'eau, j'ai branché le mixeur, et j'ai fait la

    cuisine, y mettant tout mon cœur.


    Tu avais de si jolis doigts.  






    Lili-A. ©





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