• En Chantier.

    No comment, de ma part en tous cas. Le texte parlera de lui-même!
    Et ceux qui sont déjà passé par une période de transition comprendront, enfin, je l'espère! :)




    En Chantier




    - Tu es déjà venu ici?

    - Si loin jamais, non.

    Putain! Vise un peu ça! Ces foutus ouvriers ont tout laissé en

    plan...

    - Ouais... Sacré champ de bataille, on est en plein cœur là.

    - P'tain on dirait qu'on a fait péter une bombe tellement

    c'est le foutoir... C'est dommage... Ca a de quoi être beau,

    tout ça...

    - Hey... Je pense à un truc... C'est fou, un peu mais... Pourquoi

    on n’essaierait pas d'en faire quelque chose? Y a tout ce qu'il

    faut... Ils ont même abandonné leur matos.

    - Toi et moi?

    - Ouais... Juste toi et moi... Peu à peu, à notre rythme. Ce

    sera notre secret, notre caverne à nous... Ici on pourra tout

    enfouir, et tout vivre...

    T'en pense quoi?

    - J'en pense qu'on va avoir du taf... Mais qu'ici... C'est un peu

    comme s'il y avait une âme... Laissons-la grandir, s'épanouir...

    Ouais!

    - Elle et nous, on va créer le nirvana!

    - Le nirvana, ouais... T'as raison!




    « J'ai froid. Je me sens toute nue au milieu du désert. Loin

    de tout, abandonnée.

    Dévastée. Un terrain vague pour oubliés, où qui veut vient se

    réfugier.

    L'exutoire pour passions inavouées, qu'on peut bien abîmer

    sans culpabiliser.

    En chantier.

    En vrac, comme une œuvre inachevée qu'on aurait mise de

    côté, trop longtemps.

    Un peu fanée, un peu desséchée.

    Mes cris s'enfuient et rebondissent sur des murs de silence qui

    me renvoient leur écho.

    Là, au cœur, quelqu'un est venu fouiller. Quelqu'un qui a vu

    que se dissimulait encore la lueur d'une étoile.

    De son doigt, il a écarté les gravats. Explorateur, il a creusé

    si loin qu'il a ouvert une piste, dégagé un chemin.

    Une place vide, ouverte, se révèle. Toute encore entourée de

    barrières.

    Non loin, on commence à briser les fondations usées,

    bancales, qui menaçaient de s'effondrer.

    La bétonneuse est prête, elle attend que l'on veuille bien y

    couler enfin un nouveau ciment. »



    - Tu crois que des gens se sont aimés? Ici?

    - Je ne sais pas. Probablement.

    - Ils étaient sûrement trop perdus...

    - Hein? Comment ça?

    - Regarde autour de toi... Tu ne vois pas? On ne peut pas

    décemment s'aimer sous un tertre effondré...

    Il faut être au moins un peu errant, comme nous, pour venir

    ici...

    - Peut-être, mais nous, nous sommes là pour construire.

    Nous allons réparer.

    - C'est vrai... Mais qu’étions- nous avant de le décider?

    - ... Perdus ... J'avoue. Mais plus maintenant. Nous nous

    sommes trouvé un sens vers lequel avancer...

    - Ouais. Qu’est- ce qu'on attend alors? Allons- y !

    - T'as raison ! Commençons par briser ces barrières!



    « Sous les frondaisons d'un arbre esseulé, là, ils ont

    commencé à creuser.

    Je ne sais quel trésor caché ils voulaient déterrer...

    J'ai senti mon cœur palpiter, on s'en vient piller mon

    intimité. Quels secrets encore inavoués vais-je devoir

    affronter, révéler à moi-même, et aux yeux de ces autres ?

    Ai-je seulement la force de résister? Je voudrais m'enfuir, je

    voudrais m'évanouir, dissoudre la douleur.

    Que l'on me laisse désagréger ici, la poussière et les feuilles

    venant pleuvoir et tout recouvrir.

    Mais il est déjà trop tard, les travaux ont repris, je m'en vais

    faire peau neuve.

    Peu à peu je sens les barrières se craqueler, ça fait mal.

    Etrange sensation d'être effeuillée, à chaque couche ôtée,

    vais- je sentir enfin? Un peu? Beaucoup?

    Là encore la sève a séché, couvrant le cœur de ce que je suis,

    protégeant l'essence à venir.

    Doucement, lentement, il faut gratter pour voir sous la

    couleur blafarde, le carmin de la vie se révéler, sans le

    mettre à vif.

    Blessée je suis, mais pas agonisante.

    Je sens approcher l'évasion, me parcourir le frisson.

    On m'insuffle un souffle nouveau.

    Déjà je sens la flèche de l'émoi me mordre au corps ...

    Passionnément? A la Folie?

    A la folie... A elle, l’exaltante, la survoltée, je veux bien de

    nouveau porter mes lèvres au nectar que l'on m'offre, et

    trinquer. »



    - Faisons une pause, tu veux?

    - Oh oui... Tu bois quelque chose?

    - Ok. A quoi buvons-nous?

    - A la vérité!

    - Hein?

    - Oui! A la vérité! A celle que nous sommes en train de

    pénétrer...

    Regarde! Tout a déjà changé ici... Regarde toute cette beauté

    qui se révèle à nous!

    Il a vécu ce lieu. Il a eu son lot de batailles, pourtant il avait

    presque fini par céder.

    - Tu sais pourquoi?

    C'était plus simple. C'est si facile de se laisser choir, de se

    ternir. Briller ça demande tellement d'efforts.

    - Oui, mais l'œuvre est en marche à présent. Je ne laisserai

    pas tomber!

    - Moi non plus, rassure toi. Il est trop tard pour reculer.

    - On y retourne?



    « Avec leurs mots et leur vouloir, ils mettent à vif les plaies

    mal cicatrisées...

    La douleur perle, fine gouttelette, mais il est bon la ressentir.

    A présent, tout vaut mieux que ce néant, ce chaos où je

    m'étais plongée.

    Le silence a cessé, je sens la vie revenir avec ses bruissements,

    son brouhaha qui résonne, là, juste au creux de moi.

    Je suis assourdie par ce flot de maux qui rejaillit, j'ai peine à

    différencier les voies, mais une semble se distinguer pourtant.

    Elle murmure, tout bas, la douceur à venir, une quiétude

    oubliée. Elle porte un nom je crois, mais je l'ignore encore.

    Les murs se brisent, à coup d'éclats l'on me perce, tout

    s'agite.

    Je sens là la morsure d'un sentiment qui naît, mais qui se

    terre pourtant.

    Au loin la lumière point, avec lui. Elle s'immisce entre les

    failles, elle se fraie un chemin.

    Là où elle croît, déjà des bourgeons viennent.

    Bientôt, elle inondera la place vide en moi, et des arbres

    pousseront, leurs branches s'élèveront.

    La sève les parcourra, feu intense aux milles reflets.

    Et l'on verra enfin, pour la première fois, une terre avancer,

    s'élargir, se parer, de tout ce que le monde offre et que je

    refusais. »



    - Tu imagines ... C'est un havre que nous créons.

    - Un palais. C'est bien plus riche encore.

    Tant de possibilités. On pourra y venir pour rire, pour

    danser.

    - S'y aimer, y pleurer. Rêver.

    - Je le rénove pour toi, tu sais.

    Ici nous trouverons la paix, la lumière.

    - Le repos des guerriers...



    « Bientôt, je serais belle.

    Je t'offrirai mes bras, toi, qui a balayé mes peurs

    irraisonnées, et déniché la clé de cette cage dorée.

    Bientôt, je serais libre.

    Je serais le cours d'eau où tu peux t'abreuver, où noyer à

    jamais tes peines et tes secrets.

    Bientôt je serais celle,

    Encore dissimulée, qui s'éveille, enchantée.

    Tu viendras, peut-être, reposé, au creux de moi, et l'on

    pourra s'aimer.

    Pour l’heure, anamorphosée, je m’en viens faire ma mue. »

     






    Lili-A. ©







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